En tant que nouvelle façon de voyager dans le monde face aux enjeux climatiques actuels, le tourisme durable s’invite également au Japon. Pays de l’Asie de l’Est, l’archipel nippon reste pour les Occidentaux une destination lointaine, distante de plusieurs milliers de kilomètres et que l’on rejoint quasi-uniquement par avion ✈️ en vol long-courrier. Chaque voyageur aérien génère ainsi dès son départ une certaine empreinte carbone sur l’environnement.
Selon les compagnies aériennes et les comparateurs de vols, qui indiquent lors de la réservation l’équivalent CO₂ par trajet (ou CO₂e, indicateur officiel du GIEC pour mesurer et comparer les émissions de gaz à effet de serre) : un vol aller Paris-Tokyo génère en moyenne 2 tonnes de CO₂e. Choisir une place en classe économique dans un vol direct est l’option qui obtient l’empreinte carbone la plus basse : autour d’1 tonne de CO₂e par trajet.
À titre de comparaison, ce chiffre de 2.000 kg de CO₂ correspond la dépense annuelle qu’un citoyen français devrait émettre à l’horizon 2050 selon les recommandations de l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie) publiées en avril 2023. Actuellement, chaque Français émet en moyenne environ 9 tonnes de CO₂.
Cet article vise donc à présenter quelques pistes pour compenser cette première dépense polluante indispensable, mais également comment voyager autrement à travers l’archipel nippon, suivant une dimension davantage éthique et respectueuse de la nature.
Compenser l’empreinte carbone de l’avion
Lors de la préparation d’un séjour au Japon, plusieurs actions peuvent êtres mises en place afin de compenser l’empreinte carbone de l’avion.
On privilégie en général de partir moins souvent et de rester sur place le plus longtemps possible, ce qui est tout à fait adapté à un voyage au Japon depuis l’Europe, puisque le coût carbone de l’avion s’accompagne d’un coût financier élevé et d’une durée de vol de plus de 13 heures en direct (sans mentionner la gestion du décalage horaire 🕓). Afin de rentabiliser au mieux cette destination “grandes vacances”, on recommande d’y séjourner au minimum 15 à 20 jours. Pour les ressortissants français, le visa touristique délivré les autorités japonaises à l’arrivée permet de rester jusqu’à 90 jours sur place sans autre formalité administrative, ce qui est donc largement suffisant.
Se déplacer en train à travers l’archipel
Sur place au Japon, les transports en commun fonctionnent très bien et l’on privilégie l’usage du train 🚅 pour se déplacer de manière écologique :
- que ce soit en ville avec le métro ou les trains de banlieue (comme à Tokyo) ;
- ou pour voyager entre régions via le Shinkansen, le célèbre train à grande vitesse japonais ;
- en tout cas, il convient d’éviter au maximum les vols domestiques pour rejoindre les destinations locales.
Plusieurs titres de transport combinés facilitent le quotidien des voyageurs, à l’image du Japan Rail Pass réservé aux touristes internationaux, ou encore de la populaire carte électronique prépayée (Suica ou Icoca). Seul l’archipel subtropical d’Okinawa ne bénéficie pas de réseau ferré et n’est accessible qu’en avion domestique ou par bateau 🛥️.
Le bus reste également un moyen de transport public quotidien très utilisé par les Japonais. La location de voiture 🚙 peut être conseillée pour se déplacer hors du tissu urbain, au sein de la campagne japonaise et si l’on voyage à plusieurs ou en famille par exemple. La majorité des véhicules roulent à l’essence ordinaire ou super (équivalent au sans plomb 95 ou 98), l’usage du diesel étant banni de la capitale. On trouve très peu de voitures électriques au Japon car les constructeurs automobiles nationaux, tels que Toyota et Honda, se sont davantage orientés vers les véhicules hybrides et les moteurs à hydrogène voire dernièrement à l’ammoniac.
Pour un mode de déplacement plus doux, on peut choisir de louer un vélo 🚲 (notamment électrique) pour visiter un quartier en particulier ou bien une petite ville de province. Des itinéraires touristiques dédiés aux cyclistes existent au Japon, comme la traversée des ponts de Shimanami Kaido et la découverte de plusieurs îles de la mer intérieure de Seto : Awaji-shima, Teshima, etc.
Le Japon est-il un pays à conscience écologique ?
Pays industrialisé et membre du G7, le Japon participe depuis le début aux conventions des Nations unies sur les changements climatiques. Ainsi le protocole de Kyoto, signé en décembre 1997, l’est majoritairement à la suite de la tenue de la rencontre internationale COP3 puis, lors de la COP21 en 2015, l’archipel s’engage avec l’accord de Paris à réduire durablement ses émissions de gaz à effet de serre.
Dans les faits visibles au quotidien, on reconnaît la sensibilité des Japonais aux changements de saison et à la beauté éphémère des floraisons présentés dans l’ancien calendrier koyomi. Ainsi, la mégapole tokyoïte ne croule pas totalement sous le béton et plusieurs havres de verdure sont préservés afin de permettre aux habitants de rester en connexion avec la nature.
De plus, les derniers centres commerciaux sortis de terre, tels que Azabudai Hills et Tokyu Plaza Harajuku, affichent une certaine prise de conscience verte, notamment grâce à la présence de jardins suspendus qui viennent habiller les façades et les toits-terrasses. De même, les hôtels au Japon 🏨 appliquent quelques mesures anti-gaspillage, comme :
- la distribution de shampoing, gel douche et savon dans des grands flacons à partager ;
- la mise à disposition d’échantillons de produits de toilette seulement en cas de besoin à la réception, et non plus directement dans les chambres ;
- et la fin du remplacement des serviettes et du ménage quotidien pour les clients qui séjournent plus d’une nuit sur place (situation accentuée pendant la pandémie de Covid avec le manque de personnel).
D’autres établissements nouveaux à travers le pays revendiquent un total parti-pris éco-responsable, à l’image du Good Nature Hotel Kyoto ou encore de l’Itomachi Hotel dans la préfecture d’Ehime sur Shikoku, imaginé par l’architecte Kengo Kuma et qui s’affiche comme le 1er hôtel zéro déchet au Japon. Dans les campagnes désertées par une démographie en berne, plusieurs projets consistent à reconvertir d’anciens bâtiments, comme des écoles en hôtels, pour attirer une nouvelle clientèle.
Reste que ces gestes verts s’inscrivent dans une société actuelle industrialisée, gouvernée par le capitalisme et gourmande de consommation au quotidien de produits bien marketés sans cesse renouvelés, tels que :
- les produits dérivés en tout genre de licences officielles populaires ;
- les éditions limitées ou saisonnières ;
- ou encore des articles promotionnels (paquets de mouchoirs, éventails) distribués gratuitement à la sortie des gares.
La consommation de plastique au Japon
On remarque rapidement la grande consommation de plastique au Japon, particulièrement concernant les emballages alimentaires :
- Chaque ingrédient est en effet protégé d’une voire plusieurs couches de plastique, notamment pour garantir sa fraîcheur.
- Les distributeurs de boissons jidohanbaiki, si pratiques au quotidien, génèrent malheureusement un volume conséquent de petites bouteilles en plastique PET qui sont ensuite jetées après seulement 1 utilisation. En moyenne en 2023, chaque habitant japonais consomme 183 bouteilles PET par an, soit près d’1 tous les 2 jours.
Cette addiction au plastique reste bien connue à travers l’archipel et des mesures pour essayer de valoriser au mieux ces déchets existent, à commencer par le tri sélectif qui s’avère au Japon et suivant les régions en général assez exigent et minutieusement appliqué par les locaux. On trouve très peu de poubelles dans l’espace public, en dehors des abords des konbini ou des distributeurs de boissons, et il est recommandé de faire le tri de ses déchets chez soi.
Les usines de retraitement des déchets se développent également avec, par exemple, l’aide de grands groupes internationaux tels que Veolia, qui s’est implanté depuis plusieurs années au Japon sur les secteurs de la gestion des eaux usées et de la valorisation des résines de plastique.
On apprécie par ailleurs l’adoption récente de l’usage des sacs en tissu (totebag ou eco-bag au Japon) pour faire ses courses, qui remplacent enfin ceux en plastique toujours présents mais devenus payants. En revanche, il existe encore des sacs en plastique “spécial parapluie mouillé” distribués à l’entrée des magasins en temps de pluie ☔️.
L’usage de l’air conditionné
Un autre point faible d’un point de vue écologique, que l’on va rencontrer lors d’un séjour au Japon, est l’usage généralisé de la climatisation. L’air conditionné est utilisé en premier lieu pour pallier une météo parfois difficilement supportable en été, à la fois très chaude et très humide. La plupart des logements, des restaurants, des magasins ainsi que des transports en commun sont ainsi climatisés de façon réversible, chauffés en hiver puis rafraîchis en été.
Lorsque cela est possible au sein de son hébergement, l’on recommande de maîtriser sa consommation et d’éviter de trop faire fonctionner la climatisation. Depuis l’arrêt de la plupart des centrales électriques à la suite de l’accident de Fukushima en 2011, le gouvernement japonais importe massivement de l’énergie fossile pour produire son électricité, ce qui n’est pas très écologique et représente par ailleurs pour les usagers un coût financier important en période d’inflation post-Covid 🦠.
Si l’on revient à la culture traditionnelle japonaise, on se rend compte qu’elle présente une certaine conscience écologique, influencée par le développement du bouddhisme Zen dans la pensée collective à partir du XII~XIIIe siècle. Savoir se contenter de peu pour atteindre l’Éveil, vivre dans le dépouillement matériel pour nourrir son âme et regarder la nature avec respect sans vouloir la dominer sont des enseignements bouddhistes qui rejoignent aujourd’hui la notion de sobriété énergétique. Découvrir ainsi la culture ascétique des temples est une bonne façon de voyager de manière durable au Japon.
Les destinations eco-friendly et les bons gestes à adopter
Il existe plusieurs écolabels pour identifier les destinations touristiques qui respectent un tourisme durable et éthique. On retient pour le Japon les recommandations délivrées par :
- le JSTS-D (Japan Sustainable Tourism Standard for Destinations), un label défini depuis 2020 par l’Agence japonaise pour le tourisme (JTA) sur la base des critères mondiaux du Global Sustainable Tourism Council (GSTC) ;
- et l’organisation Green Destinations qui dresse chaque année son top 100 des destinations touristiques les plus éco-responsables.
En synthèse, les destinations eco-friendly au Japon se situent plutôt en dehors des grandes villes (excepté pour Kyoto qui a obtenu la certification Green Destination en 2021 ainsi que le label JSTS-D), dans des régions rurales qui accueillent déjà des parcs nationaux préservés ou bien au sein de villages et de petites communautés qui affichent de belles initiatives vertes. Voici une liste non-exhaustive parmi les destinations déjà visitées par Kanpai :
On peut également citer la petite ville de montagne de Chichibu à Saitama et Kamaishi sur la côte Sanriku.
Dormir dans un temple (shukubo) ou chez l’habitant, goûter à la gastronomie locale et de saison, acheter un kimono 👘 de deuxième main, visiter une ferme agricole, prendre son temps pour voyager et rester plusieurs jours au même endroit (slow tourism), choisir des sorties sportives et en pleine nature comme la randonnée en forêt (pèlerinages spirituels, shinrin-yoku, camping 🏕️) sont par ailleurs autant d’activités qui conviennent à une démarche de voyage écologique.
Enfin, voici une liste de bons gestes pratiques à adopter avant son départ et pendant son séjour au Japon :
- prévoir une gourde à remplir pour limiter son usage auprès des distributeurs de boissons ;
- prévoir des couverts réutilisables pour ne pas utiliser ceux jetables proposés en caisse de supermarché ou konbini ;
- prévoir une petite serviette éponge pour s’essuyer les mains et ne pas utiliser les lingettes humides proposées dans les restaurants ;
- prévoir un sac en tissu pour transporter ses courses et ne pas devoir acheter de sacs en plastique ;
- choisir des savons solides comme produits de toilette personnels ;
- voyager léger et limiter le nombre de valises par personne ;
- choisir le plus possible des souvenirs made in japan et objets artisanaux régionaux ;
- limiter l’usage de l’air conditionné dans son hébergement en réduisant l’écart de température entre l’extérieur et l’intérieur ;
- éviter le suremballage lorsque cela est possible, ne pas demander de sachets cadeaux lorsque cela est proposé ;
- prévoir un sac hermétique pour garder ses déchets sur soi en excursion et les trier une fois à son retour au logement ;
- choisir l’eSIM (QR Code) au lieu du Pocket Wifi 📶 pour son accès Internet sur place.
Le meilleur déchet étant celui qu’on ne produit pas, voyager durable au japon reste avant tout une question de comportement individuel et l’on encourage à consommer responsable sans pour autant se priver complètement.